24th January 2025

Delicate hands holding a cigarette
Two years since she shattered my heart into pieces. I dream about her every now and then. When I wake up, I focus all of my attention on my eyes. I try to forget how painful it was and is. I close my eyes and tell myself: don’t cry. Two years, and my heart still aches when she comes to my mind. Two years, and whenever I pass the place where she studies my blood races into my head and I get so, so anxious. I start hearing the sound of her boots hitting the ground, I smell the sweet scent of the cigarettes she used to smoke, I see her faux leather jacket, her delicate hands, son sourire sarcastique, presque méprisant et pourtant si attachant.

Deux ans plus tard, j’écris : Elle me manque. Je me baladais il y a quelques semaines dans la rue. Mon psychothérapeute – que je ne vois plus – avait abruptement interrompu notre séance alors que je m’apprêtais à éclater en sanglots. Première et dernière fois que je sens que je vais pleurer devant lui. Je sors du centre médical. Je marche deux, trois mètres. Un, deux, trois. Les larmes coulent. Pourquoi. Pourquoi tu pleures. Pourquoi tu pleures, c’est terminé, ça fait deux ans, tu n’as pas le droit de demander son amour, c’est terminé, deux ans, combien de temps de plus te faut-il pour passer à autre chose.

On mangeait ensemble au restaurant universitaire chaque fois qu’on le pouvait. On se gavait de tout ce qui était proposé – légumes surgelés, burgers végétariens dans du pain mouillé, ragout de tofu avec des aliments inconnus ; bref, tout était bon à remplir nos ventres affamés, et on comptait rentabiliser autant que possible l’euro que ce repas nous coûtait. Souvent, il y avait trop de bruit autour de nous, alors on mangeait en dix minutes, sans s’adresser le moindre mot, puis on sortait pour échanger tranquillement pendant qu’elle fumait sa cigarette post-déjeuner. Un jour, je l’ai croisée en train de faire la queue devant le restaurant universitaire. Elle avait pour habitude de me prévenir lorsqu’elle mangeait à l’université. Ce jour-là, elle ne l’avait pas fait. Je m'étais approchée d’elle, elle avait ses écouteurs. Je lui avais dit : Salut. Je lui avais dit : Salut, je n’ai pas compris, j’espère que tu ne voulais rien me faire comprendre, tu as fait ça au hasard, tu ne voulais rien dire par là, on mange ensemble ? Comme d’habitude, on mange ensemble, et on parle, et on rigole ?

Salut, je pensais pas te voir à la bibliothèque, ah t’es occupée, ah désolée, ah je vais te laisser, ah oui bien sûr, révise bien, je vais réviser aussi – de mon côté évidemment, je vais partir, j’espère que tout va bien, je pars. Salut, tu dates. Tu dates, tu dates par hasard, c’est un hasard que tu dates. J’ai remarqué que tu dates, c’est pas grave si tu dates, tu as le droit de dater. Tu dois partir à la bibliothèque ? Justement, moi aussi. Mais je vais pas te le dire, parce que tu veux réviser toute seule, mais tu n’as pas la force de me dire : j’ai envie de passer du temps seule. Tu n’as pas la force de dire : j’en ai marre de toi. Alors tu coupes. Tu tranches, tu déchires, tu casses, tu mutiles. Ensuite tu pars. Jusqu’à ce que je n’entende plus le son de tes bottines.

Un jour j’ai fait semblant que je m’en foutais. Un jour, tu es passée à l’oral et j’ai tout fait sauf t’écouter, tout fait sauf te regarder. Je m’en fous que tu sois là, que tu existes. Je m’en fous tellement que j’ai mis toute ma force pour ne pas te regarder, ne pas croiser tes yeux bleus, ne pas sentir ma gorge se nouer et mon cœur se serrer. Regarde : je vis ma vie. Je vis, je vis comme toi tu vis, je m’en fous comme toi tu t’en fous. Cours fini. Je prends le métro. Je rentre chez moi. Je ferme la porte.
Je m’effondre.